Du bout de ses doigts gantés de gomme en silicone bleu, il agrippe un nouveau barreau de l’échelle. Encore quelques efforts et Buzz Aldrin sera de retour dans la cabine pressurisée d’Eagle, le module lunaire de la légendaire mission Apollo 11.
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, en ce 20 juillet 1969, l’Américain a marché, avec son compatriote Neil Armstrong, sur la Lune. Le duo s’est offert, au total, 2h31 de sortie extravéhiculaire pour explorer la surface cendrée de l’astre. Le temps presse, la base les a déjà enjoints plusieurs fois à regagner leurs pénates. Soudain, Aldrin se fige dans sa progression. Son binôme vient de l’interpeller :
- « Et ce paquet que tu devais sortir de ta manche ? C’est bon ? », lance Armstrong.
- « Non, tu le veux maintenant ? »
- « Je crois bien, oui »
Il semble qu’avant de se mettre définitivement en sécurité, les deux hommes doivent s’acquitter d’une ultime tâche, qui s’apparente à une mission bien secrète… Aldrin glisse la main dans un recoin de sa combinaison, sur le haut de la manche gauche. Il en sort une petite pochette en tissu blanc et la jette. L’objet tombe lentement - sur la Lune, la gravité est six fois moins forte que sur Terre. Au sol, Armstrong termine le travail en le poussant du bout du pied pour éviter qu’il soit abimé lorsque le vaisseau redécollera. Plus de 50 ans après, la précieuse relique se trouve toujours exactement à la même place, dans ce coin situé au Sud-Ouest de la mer de la Tranquillité…
Un statisme dû au fait que, contrairement à la surface terrestre, l’atmosphère et la vie sont absentes de l’environnement lunaire. Mais que peut donc contenir cette pochette façonnée dans le même tissu ininflammable qui recouvre les scaphandres des astronautes ?
Pêle-mêle : un écusson de la mission Apollo 1 célébrant la mémoire des astronautes tués lors d’un exercice au sol, deux médailles commémoratives représentant Youri Gagarine et Vladimir Komarov, cosmonautes russes disparus tragiquement eux aussi, un rameau d’olivier en or symbolisant la paix et surtout, un intriguant disque noir, à peine plus grand qu’une pièce de monnaie avec ses 38mm de diamètre. Il est composé de silicium pur à 99,999 %, afin d’être protégé des chocs, et cerclé d’une protection en aluminium sur laquelle est inscrit, en haut, « From Planet Earth », et en bas, « July 1969 ».
Il faut observer l’objet au microscope pour percer son secret. On découvre alors 73 « goodwill messages » (« messages de bonne volonté ») rédigés par les dirigeants d’autant de pays, d’Indira Gandhi au Shah d’Iran, en passant par le roi Baudouin de Belgique, Hassan II, Léopold Sédar Senghor, Elisabeth II… Ces déclarations à visée humaniste sont reproduites en fac-similés grâce à un procédé de gravure ultra-novateur à l’époque, similaire à celui utilisé pour les circuits imprimés. Il permet d’obtenir des lettres dont la largeur ne dépasse pas celle du quart de cheveu humain. Au centre, trône en bonne place le message du Pape Paul VI, encadré d’or.
A proximité de l’emplacement où a été déposée la fameuse pochette blanche, le drapeau américain planté par les deux astronautes a été balayé par le souffle du module lunaire lorsque celui-ci a redécollé. En revanche, la plaque commémorative de la mission, ouvragée en acier inoxydable et arrimée à l’origine à l’échelle du véhicule spatial, est toujours présente. On y trouve, aux côtés des signatures des trois astronautes participants à la mythique expédition, celle de Richard Nixon et l’inscription « We came in peace for all mankind » (« Nous sommes venus en paix pour toute l’humanité »).
Au-delà de leur vocation proclamée, toutes ces initiatives auront permis aux Etats-Unis de conférer une résonance internationale aux premiers pas de l’homme sur la Lune. Pacifiste, donc, mais aussi stratégique !